Origine du nom Malemort
Au temps de la présence romaine et au début de la chrétienté, notre village se nommait CALVIAS. A une époque qu’il est difficile de préciser il est devenu MALEMORT (un texte du Xlle siècle mentionne pour la 1 ère fois la « paroisse de Malemortis »), puis il s’est appelé MALEMORT LES FONTAINES, et enfin, MALEMORT DU COMTAT – en provençal « Malomort doù coumtat » (pour le différencier de Mallemort en Provence, dans les Bouches du Rhône).
L’origine la plus couramment admise du nom de Malemort est «mauvaise mort » suite à l’extermination de la population du village par les troupes franques de Charles Martel.
Explication : l’invasion sarrasine (725-740) s’était traduite par une occupation de courte durée, mais elle a laissé des traces durables dans la mémoire collective. Il semble en effet que les Provençaux étaient plutôt favorables aux occupants, les «Sarrasins », qui avaient respecté leurs institutions ancestrales. La répression franque menée par le célèbre Charles Martel, fut brutale. La légende veut qu’une bataille ait eu lieu en 739 à Malemort (qui se nommait encore « Calvias » à l’époque), bataille qui aboutit à un massacre dont ne furent sauvés qu’une vieille femme et son coq. D’où la figure du coq dans le blason du village et sa devise: «ortus a morte » (né de la mort).
Portail de la République
L’ensemble architectural connu par les Malemortais sous le nom de « place de la République » accueille le visiteur entrant dans le village par la route de Carpentras. Il a fait l’objet d’une inscription à l’inventaire des monuments historique et sites par arrêté du 28 octobre 1949. Cet ensemble donne une impression d’unité mais se compose en réalité de bâtiments ou monuments de diverses époques. La Grande porte qui donne accès à Malemort « intra-muros » est un des derniers vestiges des remparts élevés au 12ème siècle qui ceinturaient jadis le village. Mais elle est surmontée d’un fronton qui date de 1989 – l’année du bicentenaire. Un ébéniste du village, Albert TESTON, a réalisé un ensemble en demi-cercle de panneaux de frêne assemblés et vernis, orné d’une « Marianne » sculptée dans la masse, ainsi qu’une réplique de la statue de Notre-Dame de Calvias qui se trouve de l’autre côté du Portail.
Le lavoir date de 1771. Il était approvisionné par des sources locales et les eaux non utilisées pour le lavage du linge se déversaient dans un bassin de capacité plus modeste. Lorsque ce dernier était plein, seuls les habitants du voisinage qui s’étaient inscrits à la Mairie et qui cotisaient « pour un tour de rôle » pouvaient le déboucher afin de diriger l’eau dans certaines canalisations prévues pour l’arrosage de leur jardin.
La fontaine de la République qui trône au centre de la place date de 1787, époque à laquelle elle en a remplacé une aménagée en 1685, elle-même faisant suite à une plus ancienne. La fontaine actuelle est ornée de six mascarons dissimulant des tuyaux d’écoulement.
A proximité, sur la placette, se trouvait un vénérable platane, planté sous la Révolution en tant qu’ « arbre de la Liberté » du village. Mais ses racines menaçaient les fondations de la fontaine : on a dû l’arracher dans les années 1960, après 170 années de bons et loyaux services en matière d’ombrage…
Notre Dame de Calvias
Elle date du 13ème siècle au plus tard, mais a fait l’objet de nombreux agrandissements et restructurations au cours des siècles. Le clocher, comportant un sommet pyramidal à 8 pans date de 1611. Le mur occidental dans lequel est percée la porte principale de l’édifice en chêne massif, est de 1750.
1789-1795 L’Eglise pendant la Révolution
Les troubles de la période révolutionnaire conduisent à la vente « comme biens nationaux » du mobilier et des aménagements intérieurs de l’église. Un nouveau culte, celui de l’ « être suprême » et de la « déesse Raison » y est instauré. La marque en reste gravée au fronton de la façade par la devise :
« le peuple français reconnaît l’être suprême et l’immortalité de l’âme » apposée le 9 prairial 1794 pour préparer la fête de l’être suprême célébrée par la Convention le 17 prairial. (C’est la grande « curiosité » locale). L’église est ensuite fermée en 1795 et utilisée comme grange. Elle ne sera rendue au culte qu’en 1803.
Intérêt sur le plan artistique :
Le mobilier de l’église comporte plusieurs éléments dont :
- Un ensemble de six statues en bois doré intitulées : « présentation de Jésus au temple » (de Jérusalem ). Avec La Sainte Vierge, Saint Joseph, Sainte Elisabeth (tenant Saint Jean Baptiste dans les bras), Zacharie en habit de grand prêtre, Anne la prophétesse, et Jésus, « le sauveur du monde » placé tout en haut du retable.
L’ensemble est attribué au célèbre sculpteur de Mazan, Jacques BERNUS ( 1680 – 1728). - Un maître Autel et un retable en bois doré, datés de 1746 tous deux sont classés aux monuments historiques. Ils ont été sculptés par les successeurs de Jacques BERNUS, (son frère Joseph ou son neveu Philippe). Ils proviennent de la chapelle de Notre Dame de Ste Garde des Champs de St Didier. Il furent sauvés des pillages et de la destruction des églises durant la période révolutionnaire en étant cachés dans du foin par un particulier. Le bâtiment de Sainte Garde ayant été transformé en verrerie après la Révolution, ils ne furent jamais réintégrés à la chapelle. L’ensemble fut vendu à Malemort en 1802 par le particulier de St Didier (qui les avait cachés dans du foin), pour remplacer le mobilier d’origine entièrement disparu au moment de sa fermeture en 1795.
En 1812, par commande aux ateliers BERNUS, le Maître Autel fut complété de 2 étages supplémentaires ainsi que d’éléments décoratifs au-dessus du tabernacle. Ces éléments sont des représentations animalières des évangiles. L’aigle représente St Jean. Le lion représente St Marc. Le taureau, St Luc et enfin l’homme métamorphosé en ange, St Mathieu.
Château "Saint-Félix"
Château « Saint-Félix », ancienne résidence d’été des Évêques de Carpentras. C’est le roi Charles II « le chauve » – dynastie carolingienne, qui dans une charte de 867, fait donation à Jean, évêque de Carpentras, de divers biens sur le territoire de Malemort. Cette charte marque le début de la Seigneurie des évêques de Carpentras sur le territoire du village, emprise féodale qui durera neuf siècles jusqu’à la Révolution. Selon les actes administratifs, les évêques sont appelés « Seigneurs », « Barons de Malemort » ou encore « Seigneurs spirituels et temporels ». Jusqu’au XVIIIe siècle, ces derniers rendaient, à chaque nomination, hommage au Pape, suzerain temporel, pour la Seigneurie de Malemort.
Le "mur de la peste"
Le Mur de la Peste est une curiosité locale peu connue. Ce n’est pas un monument spécifique à Malemort mais partagé par tout le « pays ». Il s’agit d’un rempart édifié dans les Monts de Vaucluse afin de protéger le Comtat Venaissin de l’énorme épidémie de peste qui frappa Marseille et une partie de la Provence en 1720-1722. En septembre 1721, la peste passa de Marseille à Avignon, puis elle gagna Carpentras et les alentours. Cette épidémie, la dernière dans l’Histoire nationale, atteignit en Provence 81 communautés et sur une population de 293 113 habitants, il y eut 105 417 morts (36 %) ; dans le Comtat, 6 communautés, soit 8 060 morts sur 36 641 habitants (22 %).
S’étirant sur 27 kilomètres (allant pratiquement du Mont Ventoux au Luberon), haut de 2 mètres, large de 70 cm, allant de Saint-Hubert (près Monieux) à St-Ferréol (rive de la Durance vers Cavaillon) le « mur de la peste » était bâti en pierre sèche. Le long de ce mur, 97 guérites en pierre sèche accueillaient un millier de gardes.
C’est l’architecte, ingénieur et cartographe carpentrassien Antoine d’Allemand qui en avait défini le tracé, comme il l’indique lui-même dans son « Mémoire des ouvrages que j’ai faits et ordonnés depuis 1700 » conservé à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras :
« En 1720 je traçois depuis Saint-Hubert jusques à Saint-Ferreol les limites entre le Comtat Venaissin et la Provence, une ligne de 18 000 toises dont 6 000 toises faites avec un parapet de terre et un fossé au devant, et 2 000 toises avec des murs faits en pierre sèche.
En 1720 (j’ai fait) le plan de cette ligne depuis Saint-Hubert jusques à Saint-Ferréol et de là en suivant la Durance jusques à son embouchure dans le Rhône et en remontant le Rhône jusques à Avignon dont la longueur est de 14 lieues. »
Beaucoup de pestiférés fuyant vers le nord, en particulier ceux originaires de la région de Carpentras, venaient buter sur ce « mur de la peste ». Lorsqu’ils passaient à Malemort, il leur était interdit de pénétrer dans le village ; ils le contournaient par un chemin éloigné des remparts du village, qui s’appelle encore aujourd’hui « chemin de la Malotière », et qui les conduisaient vers la « Maladrerie » (en vieux français : hôpital pour lépreux ou pestiférés) de Ratonneau (à quelques kilomètres).
À partir de 1723, le mur n’eut plus d’utilité sanitaire, et on réutilisa les pierres pour d’autres constructions. Depuis 1986, une campagne de restauration et de valorisation est en place par l’intermédiaire de l’association « Pierre sèche en Vaucluse ». On peut voir des vestiges du mur entre Cabrières-d’Avignon et Lagnes, ainsi qu’à Murs. Aujourd’hui, près de 6 kilomètres ont été restaurés.
Félix Gras
Le Félibrige (en langue d’oc : lou Felibrige selon la norme mistralienne) est une association déclarée selon la loi du 1er juillet 1901, qui œuvre dans un but de sauvegarde et de promotion de la langue provençale, de la culture et de tout ce qui constitue l’identité des pays de langue d’oc. Son siège social est au Museon Arlaten (Palais du Félibrige, Arles).
Le Félibrige a été fondé au château de Font-Ségugne (Châteauneuf-de-Gadagne, Vaucluse), le 21 mai 1854, jour de la sainte Estelle, par sept jeunes poètes provençaux : Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Théodore Aubanel, Jean Brunet, Paul Giéra, Anselme Mathieu et Alphonse Tavan. Ensemble, ils entendaient restaurer la langue provençale et en codifier l’orthographe.
Les félibres majoraux (felibre majourau) nommés depuis à la tête du mouvement, au nombre de 50, sont élus à vie par cooptation et détenteurs d’une cigale d’or, qui se transmet à leur mort comme un fauteuil d’académie. Chaque cigale porte un nom symbolique référent à une région, à une ville, à un fleuve ou à une valeur félibréenne. Les félibres majoraux composent le consistoire qui est le gardien de la philosophie de l’association.
Le Félibrige est présidé par le capoulié qui est obligatoirement un des cinquante félibres majoraux. Jacques Mouttet est l’actuel capoulié du Félibrige, XIVe successeur de Frédéric Mistral à la tête du mouvement, après Joseph Roumanille, Félix Gras, Pierre Devoluy, etc.
FELIX GRAS (1844-1901), 3ème capoulié du Félibrige, originaire de Malemort.
Félix Gras né à Malemort-du-Comtat le 3 mai 1844 et décédé à Avignon le 4 mars 1901, juriste et poète de langue provençale, fut le 3ème Capoulié du Félibrige à la suite de son beau-frère Joseph Roumanille.
Il découvrit la poésie à travers Homère et Mirèio (Mireille) paru en 1859, il assista aux triomphes des félibres de la première génération (cf ci-dessus) et décida de suivre leurs traces. Cette voie lui fut facilitée par le mariage de sa sœur, en 1863, la félibresse Rose-Anaïs (1841-1920) avec Joseph Roumanille qui s’étaient connus aux « Jeux Floraux » d’Apt. Son talent et son enthousiasme conquirent immédiatement Frédéric Mistral.
Il profita de la célébration du premier centenaire de la Révolution pour balayer les ultimes tentatives de dénigrements de celle-ci y compris chez les félibres tenants de la restauration monarchique – dont Frédéric Mistral. Ce qui lui valut de faire, en 1891, le discours d’inauguration du Monument du centenaire du rattachement d’Avignon à la France, en 1890 en présence de Sadi Carnot, président de la République. Puis, un an plus tard, alors qu’il venait d’être nommé Capoulié du Félibrige, de prononcer un fervent discours républicain à Carpentras, à partir de quoi il fut surnommé le « Félibre rouge« .
Il se consacra dès lors à son œuvre majeure, Li Rouge dóu Miejour (Les « Rouges du Midi »), qui lui valut une réputation nationale et internationale. Publiée d’abord en feuilleton dans la journal Le Temps, son épopée révolutionnaire parue conjointement à New York et en Angleterre où elle fit l’admiration du premier ministre Gladstone en 1896. Traduit ensuite en suédois, son ouvrage fut publié en 1900 en français par l’éditeur de Victor Hugo. À côté du succès de librairie qu’elle provoqua, cette édition lui valut les foudres de Charles Maurras et les réserves de Frédéric Mistral qui dénonça « un carnaval et un bourbier politicien extraordinaires ».
Le roman relate en une vaste fresque historique les mauvais traitements endurés par les paysans de Malemort du fait de l’aristocratie locale, la montée du « bataillon des Marseillais » et des Provençaux à Paris pour aller défendre la Révolution en chantant la Marseillaise, puis la période de la « Terreur » et de la « Terreur blanche »(1792-1794) et les suites (1er Empire jusqu’à Waterloo).
Le poète décéda en 1901 et sur sa tombe à Malemort, il avait voulu que fut gravé :
« Ame moun vilage mai que toun vilage, ame ma Prouvènço mai que ta prouvinço, ame la Franço mai que tout. » (j’aime mon village plus que ton village, j’aime ma Provence plus que ta province, j’aime la France plus que tout).